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SIMBAD

Le voyage pour moi ce n'est pas arriver, c'est partir. C'est l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comble de connaitre sans cesse autre chose. C'est demain, éternellement demain ...

DESIREE DOLRON - entre le sacré et la violence

Publié le 13 Octobre 2009 par SIMBAD in DOSSIER & ESSAI ( Dosje & Ese )



DESIREE DOLRON 
ENTRE LE SACRE ET LA VIOLENCE

(Vasil QESARI)

" … J'avais trouvé ce nom dans une revue, vraisemblablement un hebdomadaire, avec quelques pages sur des photographes hollandais. Il y avait une photo d'un garçon allongé sur une table, le torse nu, les yeux fermés, encadré par trois femmes en noir: une mise au tombeau. Et la lumière était extraordinaire, une lumière de peintre flamand, toute en clairs-obscurs, toute en nuances, avec des ombres profondes. Cette photo me fascinait, par son cadrage et sa lumière, et par la concordance du sujet et de la réalisation ...".

Désirée Dolron est très connue aux Pays-Bas, beaucoup moins en France. Afin de montrer l’amplitude et la majesté violente de son œuvre, dans le cadre du Mois de la Photo 2006 à Paris, l’Institut Néerlandais a ouvert à 121 rue de Lille 75007, l’exposition de trois séries de ses photographies prises des années 1990 à nos jours. L’oeuvre de Dolron joue avec les frontières de la vie et de la mort, du conscient et de l’inconscient, du présent et du passé. Elle offre une lecture très personnelle de la démarcation entre l’apparence, la perception et la réalité. Absolument perturbant et majestueux. Née en 1963, Désirée Dolron vit et travaille à Amsterdam. Elle est une des photographes néerlandaises les plus connues dans la photographie contemporaine et a créé son style à la fois dans la photographie documentaire et plasticienne. Son oeuvre de se compose de reportages et de photographies de studio. Elle a assisté pendant neuf ans à des rituels religieux, notamment en Inde, en Thaïlande, au Maroc qui font l’objet de la série "Exaltation". Parallèlement elle étudie la tradition du portrait. Ce travail dénote des affinités visuelles et thématiques évidentes avec la peinture des primitifs flamands. Dans ses portraits, Désirée Dolron parvient à atteindre un degrés de réalisme extrême tout en les empreignant d’une émotion mystique. L’exposition de Désirée Dolron montre pour la première fois en France trois séries de photographies, "Exaltation - Gaze - Xteriors", qui reflètent le caractère très personnel du travail de l'artiste, relevant à la fois du documentaire et d’un travail de plasticien. Il suffit de se remémorer les visages de la peinture flamande pour comprendre que les portraits de Dolron contiennent la même énigme. Terriblement présents, les sujets des photographies semblent investis de la même aura. Leurs têtes se découpent sur un fond noir, et leurs beaux visages, tournés de trois quarts, s'accrochent encore à un monde mystérieux. Par un savant jeu d'ombres et de lumières, l'espace se creuse et accorde aux figures la profondeur nécessaire à la cruauté de leur solitude. Commencées en 2002, cette série de portraits est l'amorce d'un projet plus vaste où l'artiste reconstitue un univers imaginé avec des éléments du réel. Il s'agit donc de trouver les modèles qui ressembleront le plus aux visions préexistantes. Comme en peinture, il s'agit de représenter le sujet qui aura fait d'abord l'objet d'une étude, d'un dessin, d'un croquis. Aussi délicate et décisive soit-elle, la prise de vue en lumière naturelle n'est alors qu'une étape. La photographie est ensuite totalement retravaillée numériquement. Les volumes et les textures, les couleurs et l'espace, correspondent à l'équilibre exact imaginé par l'artiste. Peut-être ces images exercent-elles sur nous la même fascination éprouvée devant la peinture : percevoir d'une image la mémoire qui la relie à l'artiste. En effet, le photographe, quant à lui, se situe dans un procédé d'enregistrement de la réalité, il saisit ce qui "a été". Désirée Dolron a conçu un processus de création qui lui est propre, elle extrait dans le réel ce qui se rapporte aux mystères de l'esprit et tire de son imagination les effets réels qui nourriront la fiction.




SERIE : XTERIORS

L’exposition s’organise à rebours dans le temps, avec la présentation de la dernière série "Xteriors" (2001/6), dont certains portraits de femmes tels Xteriors IV ont rendu Desiree Dolron célèbre internationalement. Cette série, très picturale, révèle un univers différent, fortement influencé par les primitifs flamands. Dans sa vie et son œuvre, Desirée Dolron est fascinée par la ligne de démarcation floue entre l’apparence, la perception et la réalité. Il s’agit de portraits traités numériquement. Pourtant, il s’en dégage une nette influence de la tradition picturale flamande, notamment La Leçon d’anatomie de Rembrandt, ou des tableaux fin de siècle du peintre danois Vilhelm Hammershoi (1864-1916). On pourrait y ajouter une troisième source d’inspiration, plus contemporaine - celle du film Cris et Chuchotements de I. Bergman, en particulier dans Xteriors I. L’artiste joue avec les profils, les ombres, les clairs-obscurs. Sa démarche artistique commence par une rencontre avec une femme, une jeune fille, un enfant, à qui elle va demander de poser. Ce ne sont donc pas des modèles professionnels. Dolron les habille de costumes d’époque ou les déshabille comme dans sa série Glaze qui se passe sous l’eau. Elle prend la photo puis la retravaille jusqu’à la perfection, pixel par pixel, pendant des mois. D’ailleurs le carton d’invitation au vernissage ne correspond pas tout à fait à l’image du portrait exposé dans la salle. Insatisfaite, Dolron avait entre temps peaufiné son portrait pour donner à la peau de la jeune femme une couleur si blanche, purifiée. Cette transe reste une expérience profane. A l’inverse de sa première série, Exaltation (1991/9) qui, à la façon d’un documentaire, rapporte l’expérience religieuse poussée à son paroxysme. L’artiste s’est rendue en Egypte, en Inde, en Malaisie, au Maroc, au Pakistan, aux Philippines et en Thaïlande pour photographier les rituels des catholiques (Philippines) et hindouistes (Inde) fanatiques. Des photos couleur bronze de corps volontairement mutilés, percés qui choquent et tendent au sensationnalisme. Pourtant, telle n’est pas la finalité de Dolron. Elle se dit juste - et elle semble sincère - intriguée par cette violence sacrée. Elle qui est athée. Cette transe reste une expérience profane. A l’inverse de sa première série, Exaltation (1991/9) qui, à la façon d’un documentaire, rapporte l’expérience religieuse poussée à son paroxysme. L’artiste s’est rendue en Egypte, en Inde, en Malaisie, au Maroc, au Pakistan, aux Philippines et en Thaïlande pour photographier les rituels des catholiques (Philippines) et hindouistes (Inde) fanatiques. Des photos couleur bronze de corps volontairement mutilés, percés qui choquent et tendent au sensationnalisme. Pourtant, telle n’est pas la finalité de Dolron. Elle se dit juste - et elle semble sincère - intriguée par cette violence sacrée. Elle qui est athée.

 

SERIE : EXALTATION

Dans "Exaltation" (1991-1999), Désirée Dolron se focalise sur l'expression de l'expérience religieuse au cours de cérémonies de transe dans les festivals en Inde et en Thaïlande. Dans sa série suivante intitulée Gaze (1996-1998), elle revient sur ce phénomène dans un contexte profane. Elle entreprit de réaliser des portraits sous l’eau, des individus coupés de leurs perceptions sensorielles. La première série, intitulée "Exaltation", a été réalisée en Asie lors de fêtes religieuses. Outre les manifestations de dévotion telles qu’elles peuvent s’exprimer dans les croyances et les pratiques occidentales, les photographies de Désirée Dolron rendent compte d’expériences spécifiquement liées aux rites orientaux comme les phénomènes de transe ou d’automutilation. Il en résulte des images souvent impressionnantes, même effrayantes, de foules en liesse ou d’individus envoûtés par une force étrange ou par un esprit puissant. Le spectateur croise donc dans la galerie de portraits proposée par l’artiste un homme dont la joue est perforée par une épée démesurément grande, un autre dont la bouche est transpercée de dizaines de piques et dont l’arcade sourcilière soutient de lourds crochets, un encore qui se scarifie la poitrine ou se flagelle à l’aide d’objets oblongues et tranchants. Dans cet état des sévices religieux, le visiteur se retrouve également confronté aux rites païens de la Rome antique, désormais indissociablement liés au christianisme, que sont la crucifixion et la pose de couronnes d’épines. Si ces photographies évoquent les rites ancestraux du monothéisme et polythéisme, elles ne sont pas sans rappeler les performances artistiques extrêmes de Hermann Nitsch et des Actionnistes viennois, dans les années soixante. En se définissant sur le mode du reportage et du noir & blanc, les images de Désirée Dolron font également écho à celles réalisées par Henri Cartier-Bresson en 1948 et recueillies dans l’ouvrage Danses à Bali. Ce qui surprend le plus dans les clichés de la Néerlandaise, c’est l’apparente sérénité des individus mutilés. La concentration et la ferveur sont telles qu’elles semblent les rendre insensibles à la douleur, ou, plus encore, que cette douleur est salvatrice. La transe est ainsi rendue possible grâce à l’oubli de soi et du mal ressenti.




SERIE: GAZE

Cette volonté d’interroger les souffrances endurées par le corps se prolonge dans la série «Gaze», dans laquelle Désirée Dolron photographie des individus immergés dans l’eau. L’artiste a fait poser des gens de longues heures sous l’eau pour les faire approcher de l’état de transe. Son but: représenter des états anormaux, en dehors du mode de fonctionnement biologique, mais qui restent conscients. Une référence à l’oeuvre de Bill Viola, dont les vidéos présentent des modèles immergés. Les séances de prise de vue longues et pénibles coupent peu à peu les modèles de leur repères sensoriels jusqu’à leur donner l’apparence de noyers. Cette série perd en partie sa dimension photographique au profit de la peinture, notamment par un traitement qui rappelle le sfumato de Leonard de Vinci. Les images de Désirée Dolron tentent donc de dialoguer avec d’autres médiums artistiques et ne sont pas sans laisser l’impression ressentie face à la vidéo Cinq anges pour le millénaire de Bill Viola. La série "Xteriors" marque, quant à elle, par la neutralité invoquée, tout autant par la position de la photographe par rapport à son sujet que par l’inexpressivité des modèles. Le portrait constitue ici une indéniable référence picturale puisque l’artiste commence la série après avoir rencontré une jeune femme dans la rue qui ressemblait fortement au Portrait de la jeune fille de Petrus Christus. Aussi bien lises et blafards que lumineux, les portraits de Désirée Dolron questionnent la tradition flamande du XVe siècle. Les visages curieusement déshumanisés de cette série évoquent la crainte intérieure d’un mal lointain qui ne dit pas encore son nom. Alors pictorialistes les séries "Gaze" et "Xteriors"? Le rapprochement est en effet tentant, mais, là où des photographes comme Steichen ou Stieglitz cherchaient à imiter la peinture, Désirée Dolron interroge, par des procédés numériques, les limites du médium photographique et n’hésite pas à forcer le dialogue entre les différentes pratiques artistiques.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              

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