(photo Vasil Qesari)
A LA FENÊTRE
Je n’ai pas toujours eu cette sûreté, ce pessimisme qui rassure les meilleurs d’entre nous. Il fut un temps où mes amis riaient de moi. Je n’étais pas la maître de mes paroles. Une certaine indifférence. Je n’ai pas toujours bien su ce que je voulais dire, mais, le plus souvent, c’est que je n’avais rien à dire. La nécessité de parler et le désir de n’être pas entendu. Ma vie ne tenant qu’à un fil. Il fut un temps où je ne semblais rien comprendre. Mes chaînes flottaient sur l’eau.Tous mes désirs sont nés de mes rêves. Et j’ai prouvé mon amour avec des mots. A quelle créature fantastique me suis-je confié, dans quel monde douloureux et ravissant mon imagination m’a-t-telle enfermé ? je suis sûr d’avoir été aimé dans le plus mystérieux des domaines, le mien. Le langage de mon amour n’appartient pas au langage humain, mon corps humain ne touche pas à la chair de mon amour. Mon imagination amoureuse et toujours assez constante et assez haute pour que nul ne puisse tenter de me convaincre d’erreur.
Paul Eluard